L'an dernier, Vannes m'avait pourtant donné rendez-vous, mais... Le sort en
avait décidé autrement, une bonne gamelle
avait anéanti mes projets
!! La cheville encore douloureuse, j'avais donc assisté au départ
copieusement arrosé des coureurs
du Golfe du Morbihan, déçue
de ne pas prendre part à la
fête (mais ravie d'avoir un
parapluie !!!).
Mais cette année...
J'y étais !! Et je me
sentais prête pour une
grande balade de 56 km (57,3 km selon la police et 58 km à ma montre...!!).
Arrivées
le vendredi avec ma fille (ma super super Assistance Technique !!!), l'objectif
du jour était de retrouver
les copains qui prenaient le départ
du 177 km.
Sur
l'esplanade du port et sous un soleil éclatant
(qui jouera des tours à beaucoup
d'entre eux), nous retrouvons donc Bruno, puis Jérémie qui, même sans se connaître, parlent bien la même langue : celle de
ceux qui s'apprêtent à aller au bout d'eux-même, dans un effort de plus de 24 heures, celle des passionnés
un peu fous qui jouent à la
fois leurs propres partitions tout en improvisant si nécessaire...
Le départ est donné et nous applaudissons leur
passage avec effusion !!!
Maintenant, je peux me concentrer sur ma propre course,
dont le départ est donné le lendemain à 16 heures. J'ai donc largement
le temps de me poser, de faire mon sac tranquillement et de voir avec Cécile les endroits où il sera possible de nous
retrouver...!! J'ai le temps aussi de voir ce que j'ai oublié... Épingles à nourrice, bande Elasto et piles de rechange...
Mais j'ai mes chaussures !! C'est déjà ça !!!
Mon dossard m'est remis par une bénévole
adorable dont l'âge doit frôler les 80 printemps et dont je
vois le trouble lorsque je lui demande si la puce est à l'intérieur
de l'enveloppe...!! (Comment ça une puce ???!!??) Elle
tient absolument à m'attacher
au poignet le bracelet rouge fluo, mon précieux
sésame
pour demain !! Me voilà donc
"baguée" et elle,
satisfaite ! Les autres bénévoles du Village-Sport sont tous
quasiment de la même génération et j'apprécie cette mixité très rare sur ce genre d'événement
!!
Je me
fais donc remettre une boîte
de gâteaux bretons (évidemment) aux couleurs de
l'Ultramarin par une gamine d'au moins 75 ans qui prend son rôle très au sérieux
!!
Diner sur le port (j’ai une adresse en or !!) et je prends
des nouvelles de mes potes partis quelques heures plus tôt. Ils ont chaud, très
chaud mais le moral est bien là !! Bruno fait sa course en groupe et Jérémie
en solo. Pas de nouvelles en revanche de Yannick, Eric et Félicien
que je n'ai pas vu au départ
mais le suivi de course via le site fonctionne bien et... eux aussi !!
Nuit.
Un soleil radieux nous accueille le jour J. Curieusement,
je ne me sens pas du tout (mais vraiment pas du tout !!) stressée... Pire, j'ai le sentiment d'être vaguement concernée et que je pourrais (presque)
oublier que je vais courir quelques heures après...
Nous
avons décidé de faire une ptite reco,
histoire de repérer les
sites de ravitaillement ou de pointage. Mais finalement, nous irons à la rencontre de Jérémie
qui, souffrant d'une blessure au pied, a décidé sagement d'arrêter là ses efforts. Il aura tout de même parcouru plus de 140 km avant
de jeter l'éponge !! Bruno
est mal en point lui aussi et abandonnera tout aussi sagement, à peu près au même
endroit.
Retour
au port et retour à l'hôtel pour, cette fois-ci, me préparer pour de bon...
Toujours très
calme, je m'équipe
tranquillement. Mais ça y
est, je sens que je rentre dans ma bulle... Enfin !! Je commence à ressentir ces frémissements que je connais bien
maintenant, le ventre qui serre un peu, le cœur qui s'accélère,
la respiration que je force à se calmer
à grands coups de profonds
soupirs...
Bien
entendu, il me manque un truc !! Mes épingles
à nourrice !!! Je les
remplace par des agrafes (merci au réceptionniste
de l'hôtel)...
Mon sac
est prêt, ma tête est prête, quant à
mes jambes, elles n'attendent que ça
!! Les longues semaines de préparation
se font oublier au profit d'une énorme
et irrépressible envie de
COURIR!!! Ça tombe bien...!!
Nous filons à Sarzeau où est donné le départ
et nous retrouvons Pascale et Eric pour de brèves mais joyeuses retrouvailles !!
Photos, embrassades et... Paf c'est parti !! Un dernier regard pour ma fille et
hop là...
Le groupe est dense et compact mais comme chaque fois, passés quelques kilomètres,
c'est déjà beaucoup plus supportable !!
Je ne
pense qu'aux consignes de Pat Masson, qui me concocte des plans d'entraînements sur mesure et adaptés tant à ma... fantaisie qu'à
mes objectifs! En l'occurrence, partir DOU-CE-MENT. Et d'ailleurs, tout
courir dou-ce-ment !!
Mais
compte tenu des 32 degrés
fièrement affichés, je ne vois pas comment je
pourrais faire... plus vite !!!
Très
vite, je double des concurrents du 177 partis la veille... Tous marchent, avec
plus ou moins d'aisance. Il leur reste la même
distance que moi à parcourir
mais pas dans le même état !!
Je les
encouragerai tous, avec bravo et applaudissements siouplè !!
Je peine
à trouver un rythme régulier !! Entre les engorgements
à certains passages et les
terrains variés, ma foulée est changeante et mon cœur...
beaucoup trop haut !!! Je tente par tous les moyens de le faire descendre mais
rien à faire !! Il reste
accroché à un 160 voire 170
pulsations/minute qui m'exaspère
!! Je sais que la température
y est pour beaucoup mais ça
ne change rien à la
situation !! Et Pat a été très clair: " si ton cœur bat trop vite, tu te flingues ta course...!!"
Arfff !!
Campagne, route, campagne, route ... Mais elle est où la mer ???
Enfin, la voilà
... Nous serpentons le long du sentier côtier
!! C'est magnifique, odorant et très
agréable à courir !! Beaucoup de coureurs
marchent déjà, accablés par la chaleur…
Moi, je trottine gentiment…
J'arrive au premier pointage après 17 km de course ! Puis au premier ravito,
quelques kilomètres plus loin ! Noyalo ! Cécile m'attend avec un grand sourire !!
C'est bon de la voir. Sa présence
me réjouit et me stimule
aussi ! Elle m'apporte de la Sporténine (en prévision contre les crampes) et de la vaseline (contre
le feu sous les pieds… !! M'enfin!!!)
Je me
sens en pleine forme ! J'échange
quelques mots avec les bénévoles, papote avec quelques
coureurs et attrape saucisson et fromage avant de repartir au petit trot !!
Surtout ne pas s'installer mais vite repartir pour ne pas casser le rythme !!
Route, campagne, route, route...!
Et oui !! Beaucoup de bitume sur ce tronçon !! J'ai les pieds en feu et
il faut vraiment faire attention pour ne pas se faire bousculer par les
voitures !! À peine rassurée,
ça a le mérite de me reconcentrer très vite !! Je rumine à ce moment-là des pensées pas très
positives à l'égard des organisateurs...
Comment peuvent-ils nous faire longer des routes très fréquentées sans qu'on ne voit aucun
signaleur ou bénévole? Nous faire traverser des
routes seuls, sans couper la circulation...? Ou encore nous faire courir dans
la nuit complète sur le bord
d'une nationale? À deux
reprises, j'ai sauté sur le
bas côté afin de ne pas me faire faucher...!!
(Et je tiens à préciser que je ne suis vraiment
pas du genre trouillarde !!!)
En revanche, je bénis et surtout je remercie
chaleureusement toutes les personnes qui, nous voyant dégouliner sous le soleil, avaient pris la peine
d'installer devant leurs maisons des ravitos "sauvages" en eau !!
Parfois des bassines pour tremper buff ou casquettes, et souvent, un simple
mais salutaire tuyau d'arrosage !!
Les
coureurs se font plus rares… je cours souvent seule mais c’est
agréable,
je continue à doubler des coureurs du 177, certains crispés
et harassés, d’autres plus fringants… Parfois, je rejoins un coureur, je
papote un peu et je continue ma route, ou me laisse distancer…
c’est
selon le moment !!
Le poids
de la chaleur se fait plus léger et mes pensées s’évadent.
J’ai
le souvenir d’un passage absolument sublime le long d’un
étang,
ambiance feutrée, eau stagnante, bruis étouffés… un vrai décors de conte…
Km 36 : ravitaillement de Séné.
Je commence à sentir
les effets des kilomètres parcourus sous la chaleur !! Malgré la Sporténine, je sens
soudain pointer une vacherie de crampe qui agrippe mon mollet droit avec l'évidente intention de ne pas le lâcher !! Une autre arrive
simultanément au mollet
gauche et le mord à son
tour...! Je me précipite, la bouche pleine de biscuits salés,
vers les kinés auxquels
j'emprunte un tube de gel d'arnica dont je me beurre les gambettes !! Mais les
mouvements appuyés ne font
que renforcer mes crampes !! Vite vite, je masse comme je peux mes mollets (qui
sont passés en mode bout de
bois...!) et je décide de
repartir au plus vite !! Le premier kilomètre est insoutenable et me fait sacrément grimacer... J'insiste
pendant que de nouvelles crampes prennent le relai sous mes pieds et forcent
mes orteils à prendre une posture franchement aussi inconfortable que
douloureuse !!
Et pour
couronner le tout, voilà que
je commence à avoir très froid, ce qui se caractérise
chez moi par des tremblements intempestifs et une furieuse envie de me mettre
en boule !!
Grand
moment de solitude !! Mais finalement ça
passe…!
La chaleur commence à
tomber, le soleil descend doucement sur l'horizon, mon cœur
bat tranquillement à présent, reste donc à gérer
au mieux la dernière partie
de course !! Le parcours nous emmène
dans des sous-bois et clairières
magnifiques, et le long de la côte...
Les ravitos sauvages sont toujours là mais ce sont les enfants qui nous encouragent
pendant que les parents prennent l'apéritif
et lèvent leurs verres à mon passage !!
J'ai
d'un seul coup une énooooorme
envie d'une bière bien fraîche mais... c'est encore un peu
tôt !! Va falloir encore
parcourir une jolie distance pour y avoir droit !! Mais j'y crois ! Je me sens
toujours plutôt bien ! Pas
de douleurs particulières
depuis que les crampes ont levé le
camp, mes plantes de pieds se sont aussi calmées,
bref, je sens à ce moment
que c'est bien parti pour aller jusqu'au bout !
Non pas que j'en aie douté avant,
puisque je n'y avais pas pensé du
tout, mais tout simplement, cette certitude germe en moi délicieusement et surtout me
stimule dans ma reprise au petit trot !!
La nuit est tombée
et il faut à présent être très
vigilant !! Entre les racines, les cailloux, les bosses et les trous, les
passages sur le sable ou sur le bitume, tout est différent sous le faisceau de la frontale ! Et la
concentration nécessaire
rend le périple à la fois ludique et technique !!
Et ça, j’aime
aussi !!!
J'alterne, depuis longtemps déjà, course et marche mais, la foulée est tonique et mon pas assuré et rapide ! Je me sens efficace
(dans la limite de mes possibilités...)
et la perspective de mon arrivée
tout sourire me réjouit déjà
!!
Je commence à réaliser que mon objectif secret
de finir en 7 à 8 heures de
course est dépassé MAIS d'une malheureuse
demi-heure qui, compte tenu des circonstances climatiques, semble plutôt logique !! Bref, à quelques kilomètres
de l'arrivée et toujours
dans le noir le plus complet, je souris aux étoiles
!! Et à une en particulier,
qui vient de s'allumer alors que ma grand-mère
s'est éteinte quelques
jours avant ! Je pense à elle
et l'émotion m'envahit...
Elle veille sur moi à côté
de Brinouille...
Au loin, le port est illuminé.
J'avance vers le bruit et la lumière
avec une certaine émotion...!!
Cécile est là bien sur et Jérémie
aussi malgré sa blessure et
la fatigue accumulée. Je
cours vers eux, vers cette ligne d'arrivée
si proche et la joie m'illumine !!
Je l'ai fait... 56, 57 ou 58 km, peu importe !! Je suis
arrivée au bout, sans
blessure ni bobo, courant presque chaque fois seule mais si bien accompagnée !! Sur la ligne, je ne peux
contenir mon émotion !
Larmes d'amour, de joie, de fierté...
(et puis de fatigue aussi un peu .. Faut po pousser quand même !!)
Et voilà !!
Des semaines de préparation pour
quelques heures de bonheur...
quelques heures de bonheur...
quelques
minutes de très grande joie intérieure…
quelques
secondes d’intense satisfaction…
et un
souvenir gravé à vie !!
Et comme
chaque fois, une envie folle d’y retourner…