BELLE-ILE EN TRAIL ... THE DEFI .. !!

Pour 2012, je m’étais fixée 2 objectifs …

Le premier était le Marathon de Paris … Mission accomplie … !!

Le second était Belle-Ile en Trail …

Une envie furieuse, impétueuse d’aller courir les cheveux dans le vent, les papattes au grand air et les poumons gonflés d’air iodé … !!

Après un été lascif, ensoleillé, festif, joyeux et revigorant mais néanmoins en totale débâcle question sport, je me décide enfin à poser mes valises et à entamer une préparation que je souhaite à la hauteur de mon défi … stratégique !!

Le challenge me semble difficile pourtant à relever car je n’ai finalement que 6 semaines pour être au … top !!

Je décide donc de faire appel à un ami, Coach sportif et ultra trailer de son état ! David Maillochon, pour ne pas le nommer … !!

J’enchaine les séances avec rigueur et concentration … je suis scrupuleusement les conseils et les consignes qui me sont distillés au fil des séances ….

Le temps passe vite … beaucoup trop vite à mon goût … mais je commence à y croire … je reprends confiance … !! les entrainements se suivent, deviennent techniques puis … stratégiques ….

Je cours depuis 3 ans maintenant et pour la première fois, je ressens, je comprends, j’intègre mentalement les nuances physiques, les subtilités d’un pouls que l’on maitrise, d’une respiration que l'on gère … d’une foulée que l’on contient …

Avant, les sensations étaient globales !! et … incontrôlables !!

Cette fois ci, je prends peu à peu le contrôle de mon corps !!

Enfin … j’en comprends humblement les signaux et j’arrive doucement à les gérer …

J’en suis là dans mes entrainements introspectifs et sportifs quand  je me trouve face à l’évidence …

Belle-ile en trail, c’est maintenant !!

Je pars plutôt sereine, le cœur en bandoulière et ma fille à mes cotés !

Elle va être mon assistance technique (j’ai trouvé le titre dans le règlement de la course !!) …

Dans le doute, j’emporte avec moi toutes les options vestimentaires, vu que le temps joue à la girouette hystérique ...  et des tas de douceurs à grignoter …

Samedi matin : 9h45 …

Les coureurs du 82 km sont partis depuis l’aube et les 400 coureurs du Trail du Ponant attendent dans une joyeuse effervescence le top départ … Sylvie ( Sylver pour les intimes ….) me retrouve dans la foule … quel plaisir de se revoir !! on échange quelques mots, ravies !!

je suis prête … calme … concentrée … enfin, y’a tout de même un ptit détail que je dois régler … je dois programmer mon « partenaire virtuel » de ma montre Garmin à 9.15 mn au km afin d’avoir une vision claire de mon avance ou … de mon retard par rapport à la barrière horaire imposée … 6 heures à Bangor, soit au 37ème km …  les 45 km devant être parcourus en 8 heures max…

Et là … catastrophe !! je ne sais pas ce que je fabrique, mais ma montre affiche  et impose fièrement ses nouvelles règles … ce sera en mode … SKI !!

si si … !!

Envolés, disparus, oubliés le chrono, le dénivelé cumulé, l’allure moyenne, le cardio … !! Plus rien !!

En revanche, l’inclinaison de la pente en pourcentage, la boussole et des chiffres bizarres s’affichent fièrement sur mon écran !! 

Gloups !!

Je vois ma fille blêmir devant mon désarroi !! Je demande de l’aide à un trailer qui possèdent la même montre que moi et malgré sa patience, lui non plus n’arrive à rien !!

Le départ va être donné …

Je m’engage pour la première fois sur une longue distance (45 km, c’est po rien, tout de même !!), avec la certitude qu’un effort intense m’attend … et je n’ai plus aucun repère technique à ma disposition … je n’ai même pas l’heure !!! re gloups !!

Et bien tant pis !! ça devait être comme ça !!

Je réagis très vite pour ne pas céder à la panique ou au désespoir … (les deux étant très mauvais pour la course à pied … c’est bien connu …) et je décrète haut et fort que je la jouerai à l’intuition !!

Après tout, j’ai travaillé mon allure-endurance séance après séance … et je me dis que mon corps s’en souviendra !!

Et puis de toute façon, c’est trop tard pour y réfléchir plus longtemps … le départ est donné … c’est parti !!

Après quelques centaines de mètres à l’intérieur des remparts du Palais, le serpent humain que nous formons s’étire sur de petites routes, puis très vite sur des sentiers escarpés … souvent monotraces et pierreux …

La pluie diluvienne de la veille a tassé le sol et c’est tant mieux …

Déjà, je ne vois plus les premiers … habituel, me direz-vous … Certes, mais je suis dans un petit peloton … pas tout à fait à la fin , même si je fais très vite connaissance avec le serre-file ( grrrr …) que je laisse casiment sur place tout aussi vite !!

Doucement, je commence à gratter des places … si si !! vous lisez bien !! je double ii

J’ai de super sensations … mon souffle est régulier, aucune douleur ou gêne détectée … le pied !!

Je prends confiance … je PEUX faire confiance à mes sensations … en tout cas, jusque là, tout se passe pour le mieux entre mon corps et ma tête !!

A force de tripoter gauchement ma montre, je finis par réussir à programmer miraculeusement la fonction « cardio », tout comme mon temps au km !! 

Top !! les infos sont minimalistes mais finalement bien pratiques …

Avec un plaisir non dissimulé, je constate que mes sensations disent vraies !! mon ptit cœur arbore fièrement un volume de pulsations idéal ( entre 140 et 155 !!..)

Du coup, le restant de la course se fera avec très peu de regards dessus !!

« une garmin ??? pas la peine !! j’ai mon corps qui me dit tout !! »

L’effort est très casse-patte !!

On enchaine les montées escarpées et bien raides du chemin côtier, les descentes abruptes et irrégulières, ses faux plats en haut de montées qui piquent bien les cuisses et les vrais plats, en haut des falaises, là où le vent souffle fort fort ….

C’est bien simple, la coupe de la course ressemble à un peigne à l’envers, ce n’est que des dents de scie … du début jusqu’à la fin …

Je rejoins une coureuse qui me … reconnaît !! Géniale, une copine de mon forum préféré « courir au féminin » et aussi facebookeuse : Codette cot !! Nous faisons quelques montées-descentes ensemble et je continue à mon rythme …

Je reste très concentrée sur les souvenirs de ma prépa … et tous les conseils qui m’ont été donnés par David !

Contrôler sa respiration, réguler son souffle pour calmer son cœur, monter les cuisses, se tenir droite, … ne pas courir dans les montées mais les attaquer bien gainée en marche tonique, relancer assez vite une fois en haut mais … doucement   etc etc …

Et y’a pas, ça porte ses fruits …

J’arrive à Locmaria, 1^er ravito après 17 km de grimpettes et dévalades  de falaises et ma première question est :  « quelle heure est-il ??? » la réponse me ravit, me donne du baume au cœur, me donne envie de tous les embrasser, ces bénévoles souriants et bienveillants !!

J’ai parcouru ces 17 km en à peu près 2h30, soit ½ heures au dessous de la barrière horaire mais celle-ci n’est pas comptabilisée !!

Ma fille est là … avec son ptit panier, prête à me dorloter mais tout va bien !! J’affiche un sourire ravi, et comme d’habitude, je prends trop de temps au ravito … le groupe que j’ai doublé un à un, arrive à son tour … avec le serre-file !!

Ah non !! y va pas m’coller celui-là !!

Je repars donc, non sans avoir posé la question qui fâche à un bénévole : » au fait, elle est comment la 2^ème partie, jusqu’à Bangor ? »

« ben … bien plus dure que la première … vous allez passer par là et puis par là aussi … ha, pi y’a là aussi … !! non non, c’est sûr, c’est bien plus dur … »

gloups !!

Cécile, ma fille, qui assiste à notre conversation me regarde avec inquiétude … Non non !! tout va bien !! je vais y arriver !! nom de nom !!

Elle jouera à cache-cache avec moi pendant tout le parcours, me retrouvant par ci par là, entre criques, sentiers et falaises … toujours souriante, attentive et prévenante !! Il est topissime mon mono-staff !!

Je repars donc, toujours le moral au beau fixe mais consciente que la partie est loin d’être jouée !! Pourtant, j’y crois …

Ces 17 premiers kilomètres, je les ai « avalés » sans ressentir vraiment de fatigue … mes cuisses commencent à se durcir un peu mais ça va … j’ai de temps en temps comme des pincements vachards aux mollets, je sens la crampe tapie sournoisement, prête à surgir à la moindre occasion mais j’arrive à la maintenir endormie … 

Coucher …!! Pas bouger, la crampe !!

Concentrée,  je repars à l’assaut de nouvelles falaises, bien décidée à ne pas me laisser impressionner …

J’ai donc 20 km à parcourir en moins de 3 heures 30 …

Go go goooooo !!

J’ai en ligne de mire un petit groupe que je n’ai pas vu au ravito mais qui ne me semble pas si loin que ça !!

Ces coureurs deviennent mon obsession !!

Je DOIS les rattraper !!

Alors, j’attaque !! toujours fidèle à mes consignes, je m’applique et j’avance … autant dire que j’ai totalement oublié l’idée de mettre un peu de musique !!

Parfois je me rapproche de ma cible, parfois elle s’éloigne … c’est le charme d’un sentier côtier qui n’en finit pas de longer les abords des falaises, descendre jusqu’aux adorables criques et remonter de l’autre coté !!

Je ne vois qu’eux … je sais qu’ils me voient eux-aussi, mais ils n’ont pas un regard pour moi !! Qu’à cela ne tienne, je tiens le bon bout, vous finirez bien par me voir  !!  Minute après minute, je gratte de précieuses foulées … je me rapproche ostensiblement … !!

Je les doublerais tous … enfin, ils ne sont que 8 … !! Mais quand même !!

Et pour la plus part, ce se fera dans les côtes !! Qui l’eut cru ???!! Pas moi, en tout cas !! J’étais persuadée que c’était justement mon point faible mais il se révèle être au contraire mon meilleur atout du moment !!

La première va faire franchement la tête en me voyant arriver jusqu’à elle … mais ne pourra pas résister très longtemps à ma surprenante fraicheur …

Le second me fera un pincement au cœur … en le dépassant (toujours dans une côte… !) je le verrai grimacer de souffrance et me murmurer … « p…n de sal…rie de montées … !! » …

Etc etc …

Les descentes me permettent, elles aussi de gratter de précieuses minutes … je me sens à l’aise … la tortue devient cabri … ou chèvre, plutôt … dans la région, c’est plus courant !! j’en doublerais 2 en dévalant … tout sourire !

Je m’offre le luxe de profiter des paysages qui me laissent sans voix !! Boudiou qu’c’est beau !! toutes ces criques, toutes ces vues imprenables sur l’océan, sur les bâtiments juchés au bout du bout des falaises… 

On a en plus un temps de rêve … ciel bien dégagé, soleil insistant mais doux, vent vivifiant, parfois un peu violent mais qui fait tellement du bien là où ça fait chaud !!

Bref, je me régale … et j’avance !

Enfin Bangor !! j’arrive au ravito et fonce faire retentir le bip de ma puce mais là … problème … les 6 heures fatidiques sont dépassées de quelques minutes et la juge hésite à me biper !! elle parlemente avec les organisateurs au téléphone pendant que je joue le tout pour le tout !!

J’offre aux spectateurs ébahis la grande scène du 2 …  en mode impro !!

extrait :

«  Oh non !! Vous ne pouvez pas me faire ça …. C’est trop cruel … je me suis tellement battue … j’y ai tellement cru … en plus, je n’ai pas de montre … Pitiéééééé ….  Siouplèèèèèèèèèèè …. » le tout en prenant les gens pour témoins, ma fille, les bénévoles … « n’est ce pas Madame, que ça serait cruel de me faire ça ??? » Bref, je fais le bal …

Mais j’étais tellement dépitée !! J’étais tellement … sincère …qu’elle a eu l’accord de l’organisation et j’ai été bipée !!

Yes !! yes yes yeeeeeeeeeeeees …

J’ai sauté de joie … les gens applaudissaient en rigolant devant mes effusions!! C’était énorme !!

Du coup, 2 filles, arrivées quelques minutes après moi ont, elles aussi bénéficié de sa clémence !!

Euphorique et remontée à bloc, je décide (enfin … !! c’est la première fois … !!) de ne pas trainer au ravito !!

Je remplis un peu ma poche d’eau, avale 2-3 trucs dont une compote dont j’avais une furieuse envie depuis un bon moment … et toute à mon allégresse, je repars en saluant chaleureusement tout le monde …

Me voilà repartie pour la dernière partie … Allez ... !! 7 malheureux kilomètres avant la fin … !!

Je ne comprends pas ce qui m’arrive !

Mes cuisses m’ont fait terriblement souffrir dans les côtes mais je peux encore compter sur elles, clairement !! j’ai bien une ptite douleur piquante à un talon mais rien sur mes habituelles zones-à-haut-risque-d-ampoules …

Mes chevilles sont nickels …  bref, je passe le contrôle technique sans problème … !

La mécanique fonctionne !

Le dernier tronçon est beaucoup moins ludique … ce sera 7 km, majoritairement bitumeux et sans grand intérêt … à part le passage dans un adorable petit hameau où je suis accompagnée quelques dizaines de mètres par deux fillettes ravies !!

Je décide donc de sortir enfin ma musique et là … catastrophe !!

Je réalise que j’ai laissé à Bangor ma ceinture dans laquelle se trouve mon tel ( et ma musique) mais aussi … MON DOSSARD !!

Argghhh !! Malheur !! Quel coup du sort !!

Je deviens une coureuse anonyme !!! Mais ce n’est pas possible !! j’ai un dossard, moi !! je suis le 573 !! (Si si ... je SUIS un numéro ... !! ..)

Je me ressaisis et commence à réfléchir … !!

Soit je fais demi-tour … mais bof ...

Soit … j’alerte les premiers bénévoles que je vois et je leur demande de prévenir l’organisation !!

Je les ai tous prévenus !! à Palais, ils ont dû être harcelés de coups de fil leur expliquant le truc !!!  Oups !! Désolée … c’est encore moi … !!

Tortue ET boulet !!

Autant vous dire que je n’ai pas vu les derniers kilomètres … Mes cuisses et mes chevilles, en revanche s’en souviennent … tant de bitume et de platitude après tant de variétés … ça fatigue …

J’arrive finalement à Palais !!

Je dévale l’avenue de l’arrivée sous les encouragements et applaudissements !! y’a plein de monde !! une super ambiance !!

Je passe l’arche ravie mais inquiète !! la juge marque mon passage sur le papier et me rassure !! 7h12 … ça sera noté !!

Soulagée, je repars … marche un peu au milieu des gens et soudain, je réalise !!

Je l’ai fait !!

JE L’AI FAIT !!

J’ai relevé mon second défi … et de la plus belle des manières !!

En moins de 8 heures et sans casse … mais surtout, avec en permanence du positif dans la tête, pas de doute, pas de découragement, jamais l’envie d’arrêter là …  !!

Quelle sensation merveilleuse !!

Je pleure de joie ! J’ai le souffle court !! je suis en larme … avec des sanglots de joie confuse dans la gorge !!

Je reprends peu à peu mes esprits … et d’un seul coup, j’ai mal partout !! mais vraiment mal !!

ouille aie ouille … !!

une bénévole m’accoste en me demandant si je suis le dossard 573 … !!

Oui oui !! biensur !! et hop, elle me rend avec un sourire ma ceinture et mon tel … et me prévient qu’elle a fait bipé ma puce à l’arrivée …

il y aura donc quelques minutes d’écarts entre mon temps réel et le temps officiel …

mais moi je m’en fous … je sais …

je l’ai fait !!

si si